vendredi, novembre 05, 2004

 

Dans mes cordes (Fiction)

13h00... Je me réveille avec un putain de mal de tête, symptomatique des trop et des pas assez de ces derniers jours. Un timide rayon de soleil filtre a travers les persiennes. Je tâtonne pour trouver mes clopes sur le chevet. La flamme du briquet suffit à m'éblouir. Je vois danser mes étoiles dans des volutes de fumée, sur le rythme d'un riff de la veille, effet de persistance auriculaire. Ma main gauche part à la rencontre de la Gibson vautrée par terre, à cote du lit. Ma guitare est une femme. Elle dort avec moi. Et finit par terre, le plus souvent, éjectée par mes nuits agitées.
Mes doigts trouvent naturellement leur chemin sur le manche, volant de frètes en frètes. Mon cerveau n'est pas réveillé... C'est la moelle épinière qui joue. Je me souviens d'un réveil quelques heures auparavant. Souvenir confus d'un petit bonhomme à grosse tête et d'un plateau de petit déjeuner. Qui trône depuis lors sur un guéridon. Le café est sûrement froid mais les viennoiseries me font envie. Je lâche la guitare, attrape le téléphone et compose les trois chiffres de la chambre de Vince. Au moins dix sonneries avant que ça décroche.
- Vince? Toujours en vie ? dis-je d'une voie rauque.
- Putain, il est quelle heure?
- 13h! Arraches toi de là, on a les Inrocks a 16h fis-je avec un semblant d'énergie.
- Ils me font chier d'facon, je n'ai rien à leur dire, murmure Vincent d'un souffle avant de raccrocher.
Je me lève, attrape un pain aux raisins et décide de me faire couler un bain. Sur le chemin, je manque de marcher sur un corps inconnu, étendu au pied de mon lit.

Elle bouge. Se réveille. A de longs cheveux bouclés roux, un visage doux et me dit bonjour avec un grand sourire, et une subtile trace d’étonnement malgré de gros efforts de dissimulation. Je ferme les yeux et fait un violent effort pour me rappeler quelque chose la concernant et ainsi sauver ma dignité. Mais rien ne vient. Elle se lève défroisse son tailleur d'une main et me tend l'autre.
- Je m'appelle Sybiline, enchantée, me dit-elle comme si nous nous rencontrions dans un salon mondain.
Et moi, consterné, en caleçon, je me vois lui tendre la main et lui répondre:
- Paul, ravi.
Elle sourit à nouveau.
- Je sais bien qui vous êtes! Vous permettez que j'emprunte votre salle de bain? Elle s'y enferme sans attendre ma réponse, qui de toutes façons ne venait pas. Je reste comme un con, me balançant d'un pied sur l'autre pendant deux bonnes minutes avant de m'asseoir sur le lit. Je prends le téléphone et rappelle Vince.
- Vince? C'est moi.
- Eh mec, démerdes toi avec ton journaleux, t'es plus doué que moi pour ça. Tu diras que je suis souffrant. Ou raide camé, je m'en fous.
- Non c'est pas pour ça que j'appelle... Hier après le Caveau, on est rentre direct?
- Putain Paul, c'est toi qui voulais rentrer, me dit Vince visiblement énervé.
- Et, ...j'étais seul?
Silence a l'autre bout suivi d’un petit rire....
- Paul! Tu veux me dire que tu as trouve une femme dans ton lit et que tu ne sais plus qui c'est? C'est bien ça? Paul? C'est ça???
Devant mon silence embarrassé Vince part dans un grand éclat de rire que j'interromps en raccrochant le combiné. Je m'étends sur le lit, abasourdi. Et j'entends une voix qui me hurle depuis la salle de bain.
- Paul!!! Commandez donc deux autres petits déjeuners le votre doit être froid et j'ai faim.

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