vendredi, octobre 07, 2005

 

Rock'n'Roll Attitude

- Les ecrivains sont les plus grands voyeurs les plus grands exhibitionistes. Les plus grands pirates aussi, s'appropriant des bouts de vie pour mieux les detourner - Le texte suivant en est un bon exemple -

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En Amérique on ne tape plus les chiens. Non pas que ce soit interdit. C’est juste que ça ne se fait plus. C’est un principe d’éducation. On utilise un spray au poivre. On lui met dans la gueule quand il a fait une connerie. Il n’aime pas ça. L’effet dissuasif est radical. Rien que la vision de la bombe le fait déguerpir en glapissant.
La fille avec qui je vis s’appelle Laetitia. Elle a un con de chien. Petit. Pas beau. Un cadeau paraît-il. D’un ennemi sans doute, ajouterais-je.
On habite pas en Amérique. On habite à Denfert. Le chien il se prend donc des coups de Le Monde une fois par mois et des coups de Télé 7 jours plus souvent. Ca fait moins intellectuel mais le papier glacé est plus rigide. Il aime moins. Du coup je me suis abonné. Il pourrait revendiquer ce chien, s’il était américain.
Le con de chien s’appelle Squichy. La première fois que je l’ai vu , j’ai éte abasourdi devant tant de défauts réunis dans un seul être vivant. Mais lorsque j’ai entendu le nom je n’ai pu faire que rire. Et Laetitia s’est vexée. Depuis, néanmoins, nous cohabitons Squichy et moi. Plus ou moins. Parce que si je hais Squichy, lui en revanche, il m’aime bien. Je lui donne a bouffer par peur des représailles. Je le sors dans ce putain de parc à chiens misérable où je dois le retenir de se jeter sur le premier Doberman qui vient pour lui faire la peau. Mais comment peut-on être aussi crétin ? Ce chien s’attaquerait un mamouth avec le même entrain. Il faut que je vous replace le contexte. Squichy, il fait 12 cm au garot et a un aboiement tellement ridicule qu’on a l’impression qu’il est passé sur une bande en accéléré genre « les 2 minutes du peuple ». Et il ne doute de rien. Quand il approche, toutes dents dehors, le doberman de l’autre con la, le bestiau le regarde placidement genre « approche encore , de 5 cm et je te bouffe la tête ». Mais l’autre débile ne s’aperçoit de rien. Lui il est en mode d’attaque. J’ai parfois envie de le lâcher, juste pour voir……
J’ai rencontré Laeti chez un pote musicien. Manu habite a Stalingrad avec des potes. Leur appartement est une relique des quartiers généraux que l’on avait quand on était étudiants. Le dernier où l’on fait encore des fêtes improvisées ou pas. Laeti était une voisine croisee et re-croisee dans les escaliers. Ou dans l’intimite de l’ascenceur une place et demie, coince dans le vide de l’escalier. Manu l’avait invité, a l’improviste, a mon anniversaire que l’on célébrait (une fois de plus) chez lui. Elle était venue à sa grande surprise (de Manu). Laeti n’est pas le genre de la maison. Quand tu la vois la première fois , elle, ne te voit pas. Elle met une distance telle entre toi et elle que tu te sens obliger d’hurler pour qu'elle t’entende. Ou alors tu te tais, ce qui est l’option choisie par la majorité des gens dans cette situation. Elle est venue donc. Manu a ouvert la porte. Elle a sourit et tendu une bouteille de vin Nicolas à l’étiquette violette qui à immédiatement provoqué l’hilarité de Manu qui , se retournant vers les invités a hurlé:
«- Mesdames et messieurs , j’aimerai vous présenter…..il fit une pause
- Laetitia fit-elle embarrassée par tous les regards maintenant posés sur elle
- Laetitia, notre voisine, poursuivit Manu enthousiaste , a apporté une bouteille de cuvée de Paradis. Le vin de notre jeunesse perdue et maintenant retrouvée. C’est un signe Paul , c’est un signe fit-il s’adressant moi .
Puis se retournant vers Laetitia :
« Vois-tu, Laetitia, Paul a 30 ans aujourd’hui, et ce vin …. » fit-il avec un sourire énigmatique, « ce vin a accompagné toute nos histoires de jeunes cons à tous , et celles de Paul en particulier».
- Oui Manu , fis-je , teigneux, et aussi …va chier » . Je m’emparai de la bouteille et du bras de Laetitia pour l’entraîner vers le salon. « Ne l’écoute pas , il est déjà un peu parti »dis-je m’adressant a elle.
Mais c’était trop tard. Il était effectivement un peu parti.
- Mesdames et messieurs écoutez moi , fit Manu montant d’un pas assuré sur un tabouret puis sur le bar installé par ses soins dans l’entrée, pour démontrer son sens de l’accueil, selon ses propres termes.
- En tant que garçon d’honneur, il est de mon devoir d’ouvrir officiellement, le 30ème anniversaire de Monsieur Paul Versini. Il fit une petite pause juste le temps de faire un moon walk puis reprit.
- J’eus aimé n’avoir que des éloges à faire á mon ami Paul. Lui dire tout le respect que j’ai pour lui et son brillant parcours au sein de la noble entreprise. C’ eut pu être le cas si mon ami Paul avait choisi un connard de polytechnicien comme meilleur pote. Mais non. Il a choisi Manu , le looser RMIste, ou presque, qui prétend jouer de la musique. Il faut bien qu’il en subisse quelques conséquences. »
Eclats de rire dans l’assistance. Je commençais à me sentir mal à l’aise. Manu et moi on a été un peu pareil. Et on l’est toujours dans un certain sens. La différence c’est que moi j’ai décidé de gagner ma liberté et que lui , l’a juste prise.
- J’aurais aimé reprit-il , vous dire à quel point Paul a été courageux. A quel point jamais il n’a renié ses objectifs, sa raison de vivre. Il prit son souffle dans un élan dramatique. « Mais je ne le peux pas. Point ! »
Quelques rires fusèrent encore. Laetitia dégagea soudain son bras que je serrais inconsciemment de plus en plus fort.
- Aie euhhh !
- Désolé fis je , désolé en effet. Bienvenue , moi c’est …
- Paul oui , m’interrompit-elle. J’avais comme deviné.
- Paul, poursuivit Manu dans ce qui me semblait de plus en plus ressembler une éloge funèbre élaboré par un mauvais émule de Desproges, « Paul a un peu foiré quelque part. Paul s’est laissé dominer par le coté obscur de la farce , j’ai nommé le grand capital avec un grand K. Ohhhh de désarroi dans l’assistance. « Paul a un jour décidé que son truc à lui , c’était de faire du blé et que pour ça il fallait le faire sur le dos de quelqu’un …et il est devenu manager »
Manu et moi, ainsi qu’une bonne moitié des invités présents ce soir là, on a fait la même école d’ingénieur. On y a joué de la musique, beaucoup et bossé aussi pas mal. On y a connu des filles et partagé des histoires. Le diplôme en poche , Manu n’a pas voulu aller faire l’ingénieur dans un cabinet de conseil lambda. Il n’a pas voulu revêtir l’uniforme qui lui était offert et rejoindre le rang des cadres moyens ou supérieurs. Alors il est allé bosser à la FNAC. Au rayon , Soul, Funk, Acid Jazz de la FNAC Montparnasse , le grand brun qui ne travaille que l’après midi et qui colle « Animal Print » de Countbasic sur la platine tous les jours, a chaque fois qu’il commence son service, c’est lui. Après 5 ans et plusieurs groupes qui ont failli marcher il en est toujours là mais le vit parfaitement bien. Moi pendant ce temps j’ai commencé une carrière plutôt sympa dans l’informatique , suis parti trois ans aux US et suis revenu à Paris prendre la direction d’une petite agence commerciale de la multi nationale pour laquelle je travaille. Deux approches différentes pour un résultat également différent. Lequel des deux a eu le plus de courage ? Manu pour avoir su dire merde a sa carrière potentielle pour rester dans un milieu qu’il aimait. Ou moi pour avoir su rompre avec ce milieu étudiant , bandes de potes et soirées arrosées. Pour avoir pris , mes responsabilités. Je suis content du choix que j’ai fait. Et il semble que Manu soit content du sien. Et plus ca va , plus on a du mal à comprendre les choix de l’autre, un mélange d’admiration mutuelle, de jalousie et de dédain nous séparant de plus en plus.
« Paul croit qu’en réussissant socialement il s’achète le droit d’être libre », déclama Manu , « j’ai tendance à penser que c’est de l’aliénation…. ». Se retournant vers moi il dit à voix basse… « Mais ou est passé le petit Paul ? Celui qui voulait être journaliste ou écrivain …. Même chroniqueurs d’événements mondains je t'aurais pardonné …Tu aurais pu faire des ravages sarcastiques dans les pages de Point de Vue …Mais manager , voyons Paul dis moi…tu n’as pas honte ? »
Et juste la, si , j’avais honte et comme toujours dans ce type de situation ca me rendait méchant.

Lol.
(Comment ca je commence beaucoup de textes que je ne finis jamais?)

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